Panajachel

Le collectionneurs de costumes à Panajachel

Panajachel la touristique

L’arrivée de l’automne à Montréal me rappelle la température en altitude du Guatemala : chaleur au coeur du jour et frissons la nuit tombée. L’effervescence d’octobre me donne le goût de réécrire, du même élan. J’ai encore tant à dire à propos de ce voyage au pays Maya ! Je me souviens de Panajachel comme le début d’une étape plus aride et solitaire. Moins chaleureuse que San Pedro la fêtarde et San Marcos la grano, Panajachel me semble surestimée par les guides touristiques. Les marchands s’exposent dès les quais aux regards des touristes et des objets similaires se retrouvent d’un kiosque à l’autre.

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Mon expérience dans ce village lacustre commence de manière grotesque : je prends un mojito dans la version guatémaltèque d’un Hard Rock Café, j’achète des boucles d’oreille de jade dépareillées à un vendeur insistant, je déprime en voyant un «musée» qui  ressemble plus à Expo-sciences en secondaire 5 et je trouve enfin la pharmacie où on me vend des serviettes hygiéniques derrière des barreaux. Partout au Guatemala, les pharmacies sont des véritables coffres-forts. Tu as l’impression que ta brosse à dents est en diamant et qu’il y a de la poudre d’or dans ton shampoing (ce qui est un peu le cas, étant donné le contraste économique entre les touristes et la population locale). Soupir. Qu’est-ce que Panajachel aura à m’offrir ?

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Rencontre avec des collectionneurs

Après avoir pris un tuk-tuk qui m’amène loin du coin touristique, je me retrouve devant la grande porte de métal de la Posada Los Encuentros. À ce moment-là aussi, je doute. Rien d’accueillant. Mais Richard Morgan m’ouvre tout sourire. Derrière les hauts murs de l’auberge se cache son petit domaine: le bâtiment principal est digne d’un musée ethnographique, la cour intérieure est verdoyante et les chambres des visiteurs sont meublées d’antiquités locales. Le tout m’apparaît fort sympathique.

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Richard Morgan, le propriétaire, a choisi de vivre au Guatemala il y a de nombreuses années. Cet ancien vétéran de la guerre du Vietnam est devenu un spécialiste de la culture maya, collectionnant les huipils, les peintures d’artistes locaux, les sculptures et cultivant les plantes indigènes. Il m’explique que sa carrière militaire lui a permis de rencontrer des autochtones dans plusieurs pays et qu’il a toujours appris beaucoup auprès d’eux. Prenant sa retraite à 45 ans et bénéficiant d’une rente de vétéran, il est retourné aux études et s’est intéressé particulièrement à l’Amérique latine. En sirotant un café de bienvenue, il me parle avec ferveur de l’histoire du pays, des Mayas et des croyances.

Par l’entremise de Richard, je vais à la rencontre d’un autre «spécialiste» du costume maya, Nazario. Ce dernier travaille  à temps plein dans un grand hôtel du coin.  Il déballe sous mes yeux un huipil traditionnel de Panajachel, brodé des motifs animaliers respectifs du village : le chien, la colombe, le cerf et le coq. Le blanc et le rouge sont tout aussi typiques de Panajachel, le blanc symbolisant l’univers et le rouge, le sang des femmes. Je retiens particulièrement la petite photo de lui qu’il sort de son portefeuille, arborant la chemise traditionnelle masculine. Il est évident que la chemise que porte Nazario sur la photographie est assez moderne, taillée dans un tissu fin, produit à la machine industrielle et avec des teintures artificielles. Malgré tout, sa chemise est considérée comme «un costume traditionnel». Après tout, le patrimoine vestimentaire est vivant, empreint de mutations liées à l’histoire et à l’évolution technologique.

Petite histoire du tissage

En 1521, peu après la conquête espagnole, le métier à tisser muni de pédales est importé d’Europe. Plus large et plus complexe, il permet de resserrer le tissage des fibres et de créer des pièces plus grandes et plus rapidement. Dans les grands pans de tissu, il devient possible de tailler des patrons et de concevoir des vêtements ajustés au corps. Les hommes mayas ont adopté le tissage sur les métiers espagnols, plus imposants et «difficiles» à manier. Ces tisserands produisent toujours des tissus pour les jupes des femmes, les chemises et les pantalons masculins.

Métier à tisser d'origine espagnol, comme les grands métiers à tisser, que l’on pouvait retrouver partout en Occident à l’époque, dont au Québec, furent importés dès la colonisation espagnole. Or ce sont les hommes qui les utilisent pour fabriquer des tissages plus denses pour les jupes, les pantalons et les chemises masculine.
Métier à tisser d’origine espagnol semblable à ceux que l’on retrouvait partout en Europe et dans les colonies de l’époque, dont au Québec. Les hommes sont désignés à l’employer pour fabriquer les jupes, les pantalons et les chemises masculine.

Or, le tissage traditionnel maya est resté présent et est demeuré l’apanage des femmes. Plus créatif et nécessitant un grand talent,  c’est avec une mécanique «légère» qu’elles créent les huipils, les ceintures et les tocoyales (les coiffes) porteuses de symboles.

Lorsque les hommes mayas abandonnèrent le costume traditionnel

Au fil de mes déambulations, il est toujours frappant de voir comment les hommes sont toujours habillés à l’occidental alors que 50% des femmes mayas portent fièrement leur costume traditionnel. C‘est pour cette raison que la photo toute simple de Nazario me fascine. Durant la guerre civile qui dura plus de trente-six ans et qui ne s’est terminée qu’en 1996, un nombre effarant d’autochtones furent massacrés. C’est durant cette période que les hommes arrêtèrent de porter les vêtements traditionnels par crainte d’être identifié ou pour ne pas, dans leurs fuites, attirer l’attention vers leurs communautés.

Dès le lendemain de ma rencontre avec Nazario, je prendrai la route des montagnes. En m’enfonçant dans le pays, cette guerre deviendra plus concrète : je recevrai quelques témoignages et ferai le constat de la résilience maya. Mes recherches sur le costume deviendront une porte d’entrée inédite vers une culture, qui tel le phénix, renaît de ses cendres.

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